Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Damien Castéra, 36 ans, né à Bayonne dans le Pays Basque. Je suis surfeur professionnel depuis presque vingt ans, réalisateur de films documentaires et membre de la société des explorateurs français. J’ai commencé par une carrière de compétiteur jusqu’en 2011 avant de devenir free surfeur. Aujourd’hui, je réalise des expéditions et utilise le surf et l’aventure pour réaliser des films, des livres et des reportages pour la presse spécialisée.
D'où venez-vous ? Quand et comment êtes-vous arrivé(e) ici, dans cette région ?
Je suis né à Bayonne mais mon père a trouvé un travail à Paris, ce qui fait que j’ai passé pas mal de temps à la capitale étant enfant. Et dès que j’ai pu, c’est-à-dire à 18 ans j’en suis parti. J’ai un peu mal vécu mon passage à Paris, le fait d’être loin de la nature, donc dès que j’ai pu, je suis revenu au Pays Basque.
J’ai beaucoup voyager et vu beaucoup de pays à travers le monde, et je n’en ai vu aucun avec autant de choses réunies qu’en France. Une formidable mosaïque de paysages et de cultures.
À quoi ressemble votre quotidien ?
J’ai la chance avec mon travail de bénéficier d’une grande indépendance, notamment dans le choix des projets et dans la manière de les réaliser. Je m’organise donc comme je veux : les journées où il y a de bonnes conditions de surf, je vais surfer, et je travaille le soir ; a contrario les jours de pluie, je vais passer la journée chez moi à travailler. Je n’ai pas vraiment de routine, ça dépend de la météo et bien évidemment du travail que j’ai à faire.
Mon quotidien est assez varié car je travaille sur des films, sur des projets d’écriture, il m’arrive de monter à Paris pour des rendez-vous, je suis également beaucoup en déplacements à l’étranger.
Je vis prêt des plages d’Anglet et bénéficie des commerces de proximité. Je ne suis pas adepte des plats surgelés à mettre au micro-onde. J’ai un magasin à 2 km de chez moi assez familial où ils ont des bons produits, c’est pratique.
Qu'aimez-vous dans votre lieu de vie ?
J’habite à Anglet. Le point fondamental pour moi c’est sa géographie. Je suis entre les montagnes et l’océan. C’est-à-dire que je me lève à côté de l’océan, et j’ai les montagnes à 30 minutes. Pour un amoureux de nature comme moi c’est une chance énorme.
Qu'aimez-vous dans votre département ou les autres endroits qui vous entourent ?
Le Pays Basque c’est quelque chose de très important pour moi, de part sa culture, sa tradition, je m’y sens vraiment chez moi. C’est un ensemble. J’adore les villages de l’intérieur, leur manière de se fondre dans le paysage, leur église, le fronton, c’est esthétiquement très beau. J’aime également le lien très fort entre les différentes générations, et l’importance accordée à la transmission. J’aime voyager pour découvrir le monde mais je suis toujours heureux de rentrer chez moi. C’est un point d’ancrage fondamental dans ma construction. Le Pays Basque, c’est là où je me sens chez moi. Je ne me verrais pas vivre ailleurs.
Le Pays Basque, c’est là où je me sens chez moi. Je ne me verrais pas vivre ailleurs. C’est un point d’ancrage fondamental dans ma construction.
Qu'aimez-vous dans votre région ?
Je suis souvent en déplacements, et lors de mes voyages ou expéditions, je parcours généralement beaucoup de kilomètres. Et c’est vrai que quand je rentre chez moi, je suis assez casanier : je passe du temps à la maison, je surfe sur la plage où j’ai grandi, là où j’ai mes amis. Je ne bouge pas beaucoup et ne connais pas très bien le reste de la Nouvelle–Aquitaine. Par exemple, Bordeaux je ne connais quasiment pas. Ce n’est pas par manque d’intérêt mais par manque de temps. Le temps passé en France, je le passe chez moi.
Quels sont les endroits, situations, moments où vous vous sentez le mieux dans votre quotidien ?
C’est la plage de la Chambre d’Amour ! C’est le lieu de rassemblement, là où l’on retrouve nos proches, la famille, les amis. On va dire que d’une certaine manière c’est le centre-ville naturel d’Anglet. C’est là où on se rejoint tous et où on passe quasiment tout notre temps, à échanger, à regarder l’océan, à surfer. Dès que les conditions le permettent, on est là-bas. C’est là où je me sens bien.
Je n’aimerais pas habiter ailleurs. Je préfère voyager et revenir ici. J’ai beaucoup voyager et vu beaucoup de pays à travers le monde, et je n’en ai vu aucun avec autant de choses réunies qu’en France. Une formidable mosaïque de paysages et de cultures.
Après, les endroits où je me sens le plus comme chez moi, ce sont les pays d’Amérique du Sud, comme la Patagonie, le Chili, le Pérou entre autres. Je me sens proche de leur peuple, j’aime leurs manières de voir le monde, leur poésie, leur musique, comme ils entretiennent leurs relations d’amitiés. C’est un des seuls endroits ou j’aurais pu vivre.
À l’inverse, quels sont les endroits, ou situations, où vous ne vous sentez pas bien ?
Je ne suis pas vraiment un consommateur, faire les soldes par exemple, dans des magasins gavés de monde, un centre commercial, ou pire un Mall à l’américaine, c’est quelque chose très désagréable pour moi. Ce sont des endroits où je ne vais quasiment jamais.
Il y a un vrai problème de logement dans la région, avec de très nombreuses maisons secondaires inoccupées. Les jeunes du coin n’arrivent plus à se loger, alors que les ¾ des petits villages comme Guéthary, Bidart ne sont pas habités l’hiver.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous permet (de faire, de vivre…) ?
Vivre ici me permet de faire énormément de choses. Déjà on a la chance de pouvoir jouir d’un cadre de vie exceptionnel, que ce soit au niveau du climat, de la proximité de l’océan, de la montagne et de la nature. Et ça tombe bien car pour moi c’est ce qui est le plus important dans ma vie, il faut que je vive près de la nature.
De plus, je suis surfeur et dans le coin on a parmi les meilleures vagues de France, voir d’Europe. J’aime également la montagne, la marche et la pêche. Vivre ici me permet de varier les activités et les plaisirs.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous empêche de faire ou de vivre ?
Fondamentalement, il n’y a pas grand chose qui me manque. Alors oui, forcément, comme dans toutes les régions de province, il y a une petite limite au niveau de l’accès à la culture, il n’y a pas trop de musées ici par exemple, mais si j’ai envie de faire des musées, je monte quelques jours à Paris.
D’autant plus que l’on a des espaces culturels comme la gare du Midi, des salles de spectacles, il y a des concerts, il ne manque vraiment pas grand chose.
Il y a peut-être un léger manque au niveau des échanges sur l’écriture et de la littérature. Là où je vis, les gens vivent dehors et sont des adeptes du sport plutôt que des adeptes du livre.
De manière plus philosophique, je pense que nous sommes en train de sombrer dans une gouvernance par la peur, une société de plus en en plus autoritaire et sécuritaire.
Si vous aviez le pouvoir politique de changer une chose dans la région, quelle serait-elle ?
Préserver le patrimoine naturel et culturel, et faire attention à la folklorisation de la culture basque, comme par exemple, les danses basques sur la place du village pour les touristes l’été.
Il y a un vrai problème de logement dans la région, avec de très nombreuses maisons secondaires inoccupées. Les jeunes du coin n’arrivent plus à se loger, alors que les ¾ des petits villages comme Guéthary, Bidart ne sont pas habités l’hiver.
Ce qui fait la richesse de ce territoire, c’est la beauté de sa nature mais également son identité. On ne peut pas déshumaniser des villages entiers, en chassant les gens qui y habitent depuis des générations, en faire des villages touristiques l’été et fantômes l’hiver.
Les deux confinements et le télétravail ont accéléré l’exode d’une partie de la population vers la province, avec pour effet une une augmentation des prix des logements.
Et la Bétonnification. J’ai toujours tendance à me dire que l’on fait les choses sans vraiment anticiper, ni réfléchir aux conséquences ultérieures, et par exemple dans le futur, un petit lopin de terre vaudra de l’or et on se retrouvera à dé-bétonner.
Aujourd’hui on bétonne tout sans réfléchir, même les chaussées où auparavant il y avait de l’herbe ou de la terre ! Et aujourd’hui comme les gens ne peuvent plus se loger en bord de plage parce que ça coûte trop cher, on est en train d’aller de plus en plus loin dans les terres. L’urbanisation effrénée depuis quelques années Pays Basque devient problématique.
Selon vous, que faudrait-il préserver ?
Les espaces naturels en priorité.
Par exemple, cet été on n’a jamais vu autant de monde ici. Alors comme il y a eu l’effet « confinement » et le fait que les gens ne puissent pas vraiment partir à l’étranger, beaucoup sont restés en France, et ont pris leurs congés en France. On a vu certains coins de nature, des rivières, des plages, surpeuplés avec pour conséquence première de retrouver de nombreux déchets. Certains écosystèmes sont extrêmement fragiles et ne sont pas adaptés au tourisme de masse.
Et dans ce demain que vous imaginez, de quoi avez vous besoin pour vous sentir vraiment bien ?
On est une génération qui vit dans une époque anxiogène (crise climatique, destruction de la biodiversité, terrorisme…), mais alors l’année 2020, l’a été particulièrement. Donc pour aller bien et entrapercevoir un futur, il y aurait 1 millions de choses à changer.
Mais la première serait le climat, car si tu perds ce combat là, tous les autres combats sont perdus. Pour cela, il faudrait changer totalement de paradigme, c’est-à-dire que c’est absolument impossible de continuer à réfléchir en terme de profit immédiat et de croissance infinie, de considérer la nature comme une ressource inépuisable et les hommes comme des outils.
Le problème c’est que les politiques pensent à court terme alors que ce sont des sujets à penser sur le long terme si on veut voir un résultat probant et réellement entreprendre un changement. C’est pourquoi je crois au mandat Présidentiel unique. Sans réélection possible, le président aurait en tête la réalisation de son programme et pas sa possible réélection au prochain scrutin.
De manière plus philosophique, je pense que nous sommes en train de sombrer dans une gouvernance par la peur, une société de plus en en plus autoritaire et sécuritaire. Je suis tout le contraire de ça, ce qui est important pour moi c’est la liberté, je préfère le goût du risque au principe de précaution.
Ce qui se passe fait penser aux récits de Aldous Huxley « le Meilleur des mondes » en 1932 et Georges Orwell « 1984 » en 1949. J’ai l’impression qu’on est en train de perdre la tête.
L’impression que ce sont les jeunes générations qui se sacrifient pour les plus vieux. On n'a jamais vu ça dans toute l’humanité. Bien sur qu’il faut sauvegarder nos ainés, mais pas de cette manière.