Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Julien, 43 ans. J’habite le marais poitevin à Arçais. Je suis animateur nature. J’aime partager la passion du marais. Je suis un militant écolo au sens large : préservation du marais et lutte contre les bassines.
D'où venez-vous ? Quand et comment êtes-vous arrivé(e) ici, dans cette région ?
Je suis originaire de Picardie. Je suis venu pour la première fois dans le marais à l’âge de 5 ans pour des vacances. Souvenirs de traversées du marais en bateau. Quand j’ai eu 10 ans mes parents ont acheté une maison dans le marais. J’y ai appris à nager. Puis j’ai rencontré avec une jeune femme du marais. En Picardie je vivais entre les betteraves et néonicotinoïdes et ici on voit le marais se déliter. Je rêve que chacun puisse avoir accès à la rivière pour pouvoir se baigner. Concernant les bassines, je m’interroge encore sur la place laissée pour les scientifiques sur le dossier. Un rapport d’expertise du Sud Vendée pointe un gros risques avec les cyanobactéries.
Je rêve que chacun puisse avoir accès à la rivière pour pouvoir se baigner.
Quel est votre plus beau souvenir ici ?
Il s’agit incontestablement de la naissance de mes filles à l’hôpital de Niort. Je tiens à souligner l’importance de l’hôpital public.
Je suis également fier de la création des collectifs : Evaïe, La Frênaie, Bar à Teurtous.
À quoi ressemble votre quotidien ?
A Arçais j’ai construit une yourte il y a 15 ans. Mes filles ont grandi dans une yourte de 50 m2. J’ai par la suite construit une deuxième yourte pour les filles qui avaient grandi. Puis construction de notre maison avec ma compagne. Maison fabriquée avec 15 000 euros de matériaux. Paille de Saint Georges de Rex, peupliers arrivés par l’eau, enduite à la chaux. Nous avons tout fabriqué. Comment s’approprier cette question de l’habitat ? Être imaginatif. Avoir du temps. Volonté de vivre sur le territoire. Dans le marais, pour le marais.
À Arçais, il y a un noyau de personnes avec les mêmes optiques de vie dans le marais. Installation en maraîchage. Bar associatif, dynamique d’un marché de producteurs. Perso, j’ai encore de gros efforts à faire sur l’alimentation. Pâte bolo, steack frites j’aime bien. Avec le confinement ça été l’occasion de faire un jardin. Cet été, autonomie en légumes. Nous avons fait des conserves. Avoir du temps au printemps c’est bien pour faire le jardin c’est cohérent. Pour les viandards, il faut privilégier l’élevage extensif, les vaches maraîchines, les circuits courts. J’élève une truie.
Je suis aussi sur le projet de « La Frênaie » (une association et SCOP de Construction/vente de yourtes et gestion du camping de La Grève-sur-Mignon.) Il n’y avait aucune structure sur le territoire en mesure d’accueillir des classes vertes dans le marais. La yourte était la solution pour héberger des gamins. Nous avons recherché un camping pour installer des yourtes. Puis nous avons géré le camping. Gérer l’espace et co-habiter.
Qu'aimez-vous dans votre lieu de vie ?
Les copains qui s’auto-organisent pour la politique culturelle. Des concerts toutes les semaines.
Qu'aimez-vous dans votre département ou les autres endroits qui vous entourent ?
L'échelle territoriale du marais, la recherche de cohérence. Je connais assez mal le département. J’appréhende la différence nord/sud. Le sud Deux-Sèvres a une grosse synergie avec le Mellois. C’est plus compliqué de passer par Parthenay.
La naissance de cette supra région m’a donné un ressenti comme une recentralisation et reprise de pouvoir d’un échelon supérieur. Nous avons perdu en contact.
Qu'aimez-vous dans votre région ?
Je m’y retrouvais avec le Poitou Charentes mais la naissance de cette supra région m’a donné un ressenti comme une recentralisation et reprise de pouvoir d’un échelon supérieur. Nous avons perdu en contact. Il y a comme une logique de course vis-à-vis de Bordeaux.
Quels sont les endroits, situations, moments où vous vous sentez le mieux dans votre quotidien ?
Dans le marais.
À l’inverse, quels sont les endroits, ou situations, où vous ne vous sentez pas bien ?
Quand je passe dans les grandes plaines céréalières et que je me fait arroser par un arroseur mal réglé.
Si vous aviez le pouvoir politique de changer une chose dans la région, quelle serait-elle ?
Changer le modèle agricole. La Nouvelle-Aquitaine comme territoire sans pesticide c’est possible et il est important de remettre au cœur l’alimentation pour les habitants. La concurrence directe des agriculteurs avec les exportations qui déstabilisent l’agriculture des pays importateurs.
Il y a une vraie capacité de résilience de la biodiversité : si on arrête les pesticides, la biodiversité revient.
Comment voyez vous votre région dans 5 ans ? dans 10 ans ?
Dans 10 ans avec une vision pessimiste je dirai que si il n'y a pas une forte mutation : le chaos, été à 45 degrés et des rivières qui deviennent comme des oueds, s'assèchent.
Avec une vision optimiste : un maximum de territoires sont engagés sur la nourriture et l’eau. Il y a une vraie capacité de résilience de la biodiversité : si on arrête les pesticides, la biodiversité revient. On le voit sur le camping, le moindre espace vert avec une gestion différenciée ou non gestion et il y a recréation de la biodiversité. Mon rêve : que les roseaux puissent retrouver un droit de cité dans le marais. Des roselières ! Ce type de démarche n’est pas engagée par le Parc naturel du Marais Poitevin, qui n'a pas la volonté de rentrer en conflit avec les agriculteurs intensifs.
J’ai besoin d’un vrai questionnement de fond sur la notion de biens communs.
Et dans ce demain que vous imaginez, de quoi avez vous besoin pour vous sentir vraiment bien ?
J’ai besoin d’un vrai questionnement de fond sur la notion de biens communs, l’accès au foncier pour des exploitants ou des gens qui veulent repenser autrement leur capacité à se nourrir par eux-même. À Arçais, nous avons proposé dans notre projet municipal une ceinture verte, une ferme communale. Des vergers avec cahier des charges 0 pesticides. Mais nous n’avons pas été élus...