Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Michel, je suis ingénieur dans l’industrie. J’ai travaillé dans des entreprises de mécanique. Sainte-Ronic anciennement Alcatel. Je suis marié j’ai 2 enfants qui sont à la fac aujourd’hui à Paris. Le premier est en thèse à Paris Sud en Physique fondamentale et ma fille est dans le centre de Paris en Psycho. Je suis très engagé, notamment politiquement, mais aussi d’un point de vue associatif. Je fais partie de ATTAC par exemple, je fais partie d’autres associations engagées comme les Coquelicots-sur-Saintes depuis 2 ans. Je suis administrateur à l’association des Croqueurs de pommes de Charente-Maritime : on fait de la greffe et de la sauvegarde des variétés anciennes. Je suis administrateur des Aqua Comestibles à Saintes.
L’écologie c'est quelque chose qui me touche beaucoup. Ces engagements font que je suis secrétaire du groupe local Europe-Écologie-les-Verts de Saintes. Comme j’aime à dire à mes amis, si on veut s’en sortir il faut prendre le pouvoir par les urnes.
Comme j’aime à dire à mes amis, si on veut s’en sortir il faut prendre le pouvoir par les urnes.
D'où venez-vous ? Quand et comment êtes-vous arrivé(e) ici, dans cette région ?
J’habite dans un lieudit qui appartient à un petit village près de Sainte. La Commune s’appelle Corme-Royal et le lieudit s’appelle la Brousse. Une vingtaine de maisons et une cinquantaine d’âmes.
Je suis originaire des Alpes, près de Grenoble où j’ai fait mes études jusqu’à mes premières années de fac. Je suis ensuite parti à Poitiers pour faire mon école d’ingénieur. J’ai fait une coopération au Togo pendant 2 ans. J’y été prof de maths. Quand on n’a jamais enseigné, c'est très difficile et cela pose un problème d’un point de vue pédagogique. Il y avait la barrière de la langue parce que le français est la langue officielle, mais pas la langue maternelle.
Par la suite je suis parti travailler en Beauce. C'est là que j’ai rencontré ma femme.
Le problème de la Beauce c'est que ce sont des monocultures de céréales à perte de vue. On ne voit que des clochers dépasser. J’ai eu l’opportunité de venir travailler en Charente-Maritime en 1991.
Je suis à 15 minutes de Saintes et je ne suis pas citadin donc j’aime la campagne.
Quel est votre plus beau souvenir ici ?
J’ai beaucoup de bons souvenirs ici avec mes amis, mes enfants sont nés ici. Je me suis marié là. Un vrai souvenir bucolique : j’ai des restes de chasseurs cueilleurs et à côté il y a un bois. Je me souviens un automne, le gamin d’une voisine d’à côté de ma maison. Je suis parti avec lui cueillir des champignons. Il y avait une poussée ce jour-là. On est revenir avec des sacs énormes pleins de cèpes. Il était fier comme pas permis et est rentré chez lui avec le sac et c'est un super plaisir.
Je trouve dans mon jardin une sérénité que l’on ne trouve pas ailleurs. C'est un endroit à la fois de ressources et un endroit qui crée le partage.
À quoi ressemble votre quotidien ?
Aujourd’hui mon quotidien est particulier avec les aléas de la vie. En ne travaillant plus, je suis militant à 100% et jardinier à 100%. Cela me permet d’assouvir mes deux passions. Dans le village il y a pas mal de retraités avec qui je m'entends très bien. Quand je ne suis pas dans mon jardin, je suis avec mon ordinateur et je bosse pour mes associations et les Verts. En termes d’investissement cela est assez conséquent, mais passionnant.
Je trouve dans mon jardin une sérénité que l’on ne trouve pas ailleurs. En tant que militant, la sérénité est primordiale. C'est un endroit à la fois de ressources et un endroit qui crée le partage. J’ai la chance d’avoir une serre et un jardin donc j’ai fait beaucoup de plants avec les Incroyables de Saintes. À trois on a produit tous les plans que les Incroyables ont mis dans toute la ville. Je peux vous dire que ça fait des plans et des sacs de terreaux.
Au niveau alimentation, nous avons choisi de ne manger plus que bio. Avec quelques entorses, comme la viande où il est difficile de trouver du bio local. Mais par chez nous, il y a le marais, il y a beaucoup d’élevage avec des bœufs qui n’ont brouté que de l’herbe.
Vouloir mettre du transport en commun dans un milieu rural diffus, c'est inefficace, trop compliqué et trop cher. La chose qui est accessible et qui doit être refaite c'est l’accès en voiture ou en vélo à des gares rurales proches.
Pour le déplacement, le problème de la campagne, c'est qu'on a besoin de la voiture. En Charentes Maritime on est sur un milieu rural diffus. Vouloir mettre du transport en commun c'est inefficace, trop compliqué et trop cher. Même au niveau écologique. On ne peut pas passer partout tout le temps. La chose qui est accessible et qui doit être refaite c'est l’accès en voiture ou en vélo à des gares rurales proches. Chez nous le lieu classique c'est Saintes : culture, alimentation de grande surface, militantisme. Il est nécessaire de raccorder les petits villages au train. Aujourd’hui le train n’y fait que passer sans s’arrêter. Le bus Royan-Saintes y passe également. Aujourd’hui je suis obligé de prendre la voiture et il m’arrive de ne pas y aller parce que je ne veux pas prendre la voiture. Sainte n’est pas grand donc s’y déplacer n’est pas compliqué.
On est à l’initiative depuis une dizaine d’années du repas des voisins pour maintenir un tissu social dans le village. Si on ne fait pas ce genre d’évènement, on ne croise personne.
Qu'aimez-vous dans votre lieu de vie ?
Dans mon village ce qu’il me plaît est d’avoir ma maison mon jardin autour. J’ai la chance d’avoir une motte. Ici ce que l’on appelle une motte c'est un espace de terre proche ou collé à un ruisseau ou cours d’eau. La Brousse tire son nom de ce ruisseau. J’ai la chance d’être presque un paysan. Ce qui me plaît aussi c'est l’ambiance dans ce village. On discute beaucoup. On est à l’initiative depuis une dizaine d’années du repas des voisins pour maintenir un tissu social dans le village. Il commence à grossir avec des jeunes qui arrivent. La journée on ne les voit pas, donc le soir est le moment de se retrouver. Si on ne fait pas ce genre d’évènement, on ne croise personne.
Qu'aimez-vous dans votre département ou les autres endroits qui vous entourent ?
Quand j’ai été débauché pour aller à Saintes, je ne savais pas où c’était. Ma seule exigence était que cela soit en dessous de la Loire. Le climat aujourd’hui est exceptionnel. Parti comme c'est, les bananes ne vont pas tarder à arriver. Ce qui me plaît le plus ici c'est le fait d’avoir le soleil tout le temps et un ciel à 180 degrés. Je viens des Alpes où les montagnes cachent vite le soleil.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous empêche de faire ou de vivre ?
Cela ne nous permet pas d’aller à des spectacles ou toutes autres activités culturelles. Tout de suite on doit sortir. Et c'est le point le plus négatif. Il n’y a pas de pauvreté culturelle, mais il manque certaines choses.
Je pense qu’il faudrait que la région développe une économie locale décentralisée. Il faudrait une politique d’aménagement du territoire avec des PME et des PMI.
Si vous aviez le pouvoir politique de changer une chose dans la région, quelle serait-elle ?
J’y pense beaucoup avec mon engagement. Pas facile de dire LA chose qu’on changerait. Avec la crise, on voit qu’il y a un changement des mentalités. Avec les Coquelicots, j’aimerai beaucoup que toutes mes cultures soient en agriculture biologique et qu’on arrête de mettre des pesticides partout. Même si je suis conscient qu’on est dans un monde mondialisé et que je ne suis pas seul.
Aujourd’hui je pense qu’il faudrait que la région développe une économie locale décentralisée : contrairement à ce qu’il se fait. Les usines ferment dans les campagnes pour ouvrir près des villes et il y a une concentration des emplois dans les grandes villes. Il faudrait une politique d’aménagement du territoire avec des PME et des PMI. Il faut par conséquent adapter les transports dans les territoires afin de permettre une meilleure mobilité. Il est plus facile pour un bordelais d’aller à Paris plutôt qu’à Saintes. C'est inadmissible.
Je pense qu’il faudra avoir des ceintures maraîchères autour des villes. Ici on a tout pour le faire et que les territoires soient autosuffisants.
Au niveau agricole, il faut une réforme, un changement de mode de culture. Ici il y a beaucoup de grandes cultures de maïs, tournesol et blé, et qui sont eux dans un contexte mondialisé. Je pense absolument qu’il faut relocaliser de l’agriculture vivrière et les cultures maraîchères. Ici on a tout pour le faire et que les territoires soient autosuffisants. Par contre il ne faut pas oublier la grande culture. Une fois qu’on sera résilient, il nous restera aussi beaucoup d’espaces pour nourrir d’autres pays. Il faut une part de système mondialisé et une part de système local.
Je dis ça d’autant plus convaincu que la semaine dernière il y avait une conférence de Stéphane Linou (importateur de l’expression locavore en France). Il a parlé du risque de ne pas avoir à manger et risque d’émeutes du fait de notre système mondialisé qui est basé sur le transport. Il dit que même dans la campagne si on arrête les camions, au bout de trois jours il n’y a plus rien à manger dans les campagnes. Quand on va au supermarché et même supérette de village, les produits ne viennent pas d’ici. On produit pour ailleurs et ailleurs produit pour nous. On est extrême vulnérable aux transports.
Comment voyez vous votre région dans 5 ans ? dans 10 ans ?
2030 c'est loin. Mais dans 5 ans, si j’ai bien lu le projet Néoterra qui a été fait par nos élus, on devrait avoir beaucoup moins de pesticides et beaucoup plus de bio. En parallèle je pense qu’il faudra avoir des ceintures maraîchères autour des villes. Pour Saintes ce n'est pas trop dur, mais pour Bordeaux, il y a du travail. Le prix du m2 n’est pas le même. J’espère que par la loi on peut changer ça. Dans le même sens au niveau industriel, j’aimerai bien voir des petites industries qui reviennent dans les plus petites villes. Même si je sais qu’aujourd’hui les PMI c'est compliqué de trouver un équilibre économique. Plus d’industries pour les besoins locaux.
Au niveau agricole, l’industrie agroalimentaire doit cesser. En 20 ans j’ai vu toutes les petites laiteries fermer. Il y a toujours une concentration industrielle pour des raisons économiques. Il faut une décentralisation dans l’agroalimentaire.
À chaque sècheresse on voit des gros arbres mourir et tomber, car en manque d’eau.
Selon vous, que faudrait-il préserver ?
Aujourd’hui la chose la plus en danger pour nous c'est l’eau. La richesse c'est l’eau et les prochaines guerres seront liées à l’eau. Le partage de l’eau est primordial. Ici nous avons la Charente où il y a beaucoup d’eau, mais c'est l’un des fleuves, si ce n’est le, plus pollué aux pesticides. Cela est en partie dû à la viticulture du cognac. On ne sait pas bien faire différemment hélas. On a le tourisme qui demande beaucoup d’eau. Il nous faut de l’eau pour nos agricultures, pour nos forêts et nos animaux. À chaque sècheresse on voit des gros arbres mourir et tomber, car en manque d’eau. L’agriculture consomme aujourd’hui trop d’eau. Il faut cultiver du blé et du tournesol. Ca fait moins de protéine et ça se vend moins bien, mais ça ne détruit pas notre planète.
Il faut redonner du sens au travail et à l’humain.
Et dans ce demain que vous imaginez, de quoi avez vous besoin pour vous sentir vraiment bien ?
Pour se sentir mieux ? Déjà je pense que les habitants ici se sentent bien. Et le mieux est l’ennemi du bien, comme on dit dans les bureaux d’étude. Pour se sentir mieux, il faut remettre le lien social et humain. Aujourd’hui notre monde libéral nous emmène vers de la concurrence tous contre tous. Il faut redonner du sens au travail et à l’humain. C'est ce qu’il manque le plus et ce dont les gens souffrent le plus.