Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Mixel, paysan à la retraite et toujours militant pour une agriculture paysanne. Je suis également engagé dans le processus de paix au Pays Basque.
D'où venez-vous ? Quand et comment êtes-vous arrivé(e) ici, dans cette région ?
Je suis né au Pays Basque et j’y vis depuis 68 ans. Mon engagement syndical à la Confédération paysanne m’a demandé régulièrement de m’absenter de ma famille, de ma ferme, de mon territoire, pour aller à Paris ou ailleurs.
À quoi ressemble votre quotidien ?
Ma vie a été partagée entre trois implications avec des compromis pas toujours faciles : la famille, la ferme et l’engagement militant. Aujourd’hui, la présence à la ferme est beaucoup moins prégnante : j’y vais lorsque les jeunes me le demandent. L’engagement syndical est réduit ou du moins il change de forme et me demande moins d’absence de la maison. Le processus de paix me mobilise pas mal. De toute façon, les journées sont largement remplies.
Pour le reste, on essaie de produire au maximum ce que nous consommons et mes déplacements, à part très localement, se font en voiture. Mon loisir préféré, mais je n’y consacre pas le temps que je souhaiterais, ce sont les randonnées en montagne.
Qu'aimez-vous dans votre lieu de vie ?
De façon générale, ce que j’aime dans mon territoire est de voir ce paysage qui exprime bien – encore, et j’espère pour longtemps – cette agriculture paysanne avec des fermes nombreuses, des animaux qui pâturent dehors, une montagne ouverte et globalement entretenue, une réalité qui correspond bien à l’image de qualité de notre agriculture. Le pire est d’avoir une communication basée sur l’image, alors que la réalité s’échappe vers une agriculture industrielle. Ce que j’aime aussi ici c’est la vie sociale et culturelle dynamique. Mais tout est lié : le social, l’économique, le culturel sont liés si ce sont des dynamiques portées d’abord à partir du local.
D’où que nous soyons, où que nous soyons, il y a dans tous les territoires des opportunités, des choses à faire, des relations à nouer, des projets à construire.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous empêche de faire ou de vivre ?
Je ne me pose pas la question (ou du moins j’évite de me la poser) de ce que je ne peux pas faire ici parce que je suis ici et pas ailleurs… Ou si je n’étais pas d’ici, d’où j’aimerais être… Il y a mille endroits où on serait bien… Je pense qu’il ne faut pas perdre de temps à rêver de ce qu’on n’a pas ou de ce qu’on ne peut pas parce qu’on serait d’ici et pas d’ailleurs. Je n’ai pas choisi d’être d’ici… Plus tard, j’aurais pu choisir d’aller ailleurs, ça n’a pas été le cas. D’où que nous soyons, où que nous soyons, il y a dans tous les territoires des opportunités, des choses à faire, des relations à nouer, des projets à construire, et il y a partout des opportunités et des potentialités. Il y a aussi, partout, des choses difficiles à réaliser !
L’argent public doit être réservé à l’agriculture d’utilité publique !
Si vous aviez le pouvoir politique de changer une chose dans la région, quelle serait-elle ?
Si j’avais le pouvoir, je déciderais de ne plus accorder un seul euro à l’agriculture industrielle et de tout miser sur une agriculture locale positionnée sur la souveraineté alimentaire territoriale et l’accessibilité des produits alimentaires sains et de qualité à tous les consommateurs et consommatrices. L’argent public doit être réservé à l’agriculture d’utilité publique !
J’aimerais que nous avancions vers une société davantage impliquée, c'est-à-dire des citoyens qui s’engagent. Il faut favoriser les organisations locales quels que soient les domaines.
Comment voyez vous votre région dans 5 ans ? dans 10 ans ?
J’aimerais que ma région évolue vers davantage de prise en compte des urgences climatiques et sociales, au niveau local et international. Et ceci, dans les prises de consciences et dans leurs traductions concrètes. J’aimerais que nous avancions vers une société davantage impliquée, c'est-à-dire des citoyens qui s’engagent. Il faut favoriser les organisations locales quels que soient les domaines (agricoles, entrepreneuriales, sociales, etc.), à l’échelle territoriale et à dimension humaine c'est-à-dire le plus maîtrisé possible par les gens concernés.
En un mot, il faut sortir, dans tous les domaines, de la logique productiviste et de plus en plus déshumanisée, et revenir à l’essentiel des besoins individuels et collectifs. L’actualité liée au Covid (qui est quand-même une conséquence d’une logique économique de plus en plus incontrôlable) nous oblige à nous recentrer sur l’utile et l’agréable. Mais la vie est un rapport de force : les lobbies et autres intérêts économiques feront tout leur possible pour que rien ne change… à part le discours d’accompagnement !
Je ne sais pas s’il y a un pilote dans l’avion ou si c’est un pilotage automatique, mais l’orientation vers « plus c’est gros, plus c’est vite, plus c’est artificiel, plus c’est robotisé et plus on est dans la course et la compétitivité » est catastrophique. La Région doit se positionner et s’engager sur une autre logique.