Nicolas Thierry,
candidat aux élections régionales 2021.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Nicolas, j’ai 44 ans, je suis papa de 2 enfants, marié, je vis en Gironde à Créon. J’ai une formation en sciences humaines, j’ai travaillé en cabinet ministériel, en association, à la Région Aquitaine puis Nouvelle-Aquitaine où je suis actuellement vice-président. J’ai quelques passions, dont l’histoire et l'archéologie.
Et globalement, fait important, je me sens bien à la campagne - plus qu’en ville.
D'où venez-vous ? Quand et comment êtes-vous arrivé(e) ici, dans cette région ?
J’habite là où je suis né, j’ai toujours eu cet ancrage et cette attache à la Nouvelle-Aquitaine, et aujourd’hui j’y vis et j’y travaille. Je réside à Créon, dans l’Entre-deux-Mers, c’est à dire entre deux fleuves, dans un territoire viticole, qui était très rural et qui au fil des années est devenu péri-urbain, avec mitages et artificialisations excessifs, et qui est victime de l'étalement urbain. Je vis dans une zone heureusement protégée, à la lisière de la forêt, dans une maison sur un terrain familial, au milieu de la nature.
J'ai toujours eu ce point d’attache là. C’est le lieu de vie de ma famille depuis des générations, et nous y vivons encore.
J’ai toujours eu ce pied-à-terre, j’ai grandi ici à Créon, parfois j’en suis parti et je me suis éloigné. J’ai vécu à Paris, en Polynésie, à Bordeaux, mais j’ai toujours eu ce point d’attache là. C’est le lieu de vie de ma famille depuis des générations, et on y vit encore.
Quel est votre plus beau souvenir ici ?
J’ai eu à Créon une enfance très heureuse, qui m’a beaucoup construit, de très bons souvenirs, d'insouciance, de contact avec la nature, la forêt, le vivant. Toutes ces expériences m’ont fortement structuré. Ce sont mes souvenirs d’enfance et de connexion à la nature, la liberté qu’offrait cet endroit à l’époque, et tout l’émerveillement que cela permet.
À quoi ressemble votre quotidien ?
Près de chez moi, il y a une forêt avoisinante, dans laquelle je me réfugie dès que je peux, car c’est un lieu de quiétude. Je me déplace malheureusement encore trop en voiture, car je dois souvent aller à Bordeaux, mais heureusement, depuis peu, on peut y aller en bus et que cela a réduit d’un tiers l’utilisation de mon véhicule. À l’intérieur de Créon, j’utilise le plus possible le vélo cargo (courses, école, …).
On se nourrit en alimentation bio et locale, sans trop de déchets, autant que possible, le territoire nous y aide sur ce point (amap, magasins circuits courts, et cultivateurs). Je tente d’être présent pour mes enfants. Mes voisins proches, c’est ma famille et donc c’est une connexion précieuse et naturelle. Pour le reste du village, il y a beaucoup de nouveaux arrivants avec qui nous avons encore trop peu de contact, et pour les autres, ils sont assez âgés, ils ont toujours vécu ici. Ce sont des personnages de mon enfance..
Mon réseau de liens et d’amis n’est pas majoritairement à Créon. les gens viennent à nous, et j’ai gardé de très bons amis d’enfance.
La ville elle-même a été trop défigurée, elle incarne cette esthétique triste de la modernité, de “comment on a rendu la France moche”...
Qu'aimez-vous dans votre lieu de vie ?
Ce que j’aimais… c'était la bastide d’il y a 30 ans. Ce que j’aime aujourd’hui encore, c’est le lieu où je vis aujourd’hui, moins la ville elle-même telle qu’elle est devenue. Elle a été trop défigurée, elle incarne cette esthétique triste de la modernité, de “comment on a rendu la France moche…” Le centre-ville est conservé et reste agréable, j’y suis attaché mais tout le tour, c’est l’empire des hangars, des zones industrielles qui tuent les centre-villes et les petits commerces de proximité.
Qu'aimez-vous dans votre département ou les autres endroits qui vous entourent ?
Le département est très beau et intéressant de même que la zone qui m’entoure grâce à la variété de paysages, d'écosystèmes, de cultures : la façade Atlantique, le bassin d'Archachon, être connecté à l'océan, et puis à quelques centaines de kilomètres, un patrimoine historique ; les Landes, les Pyrénées à moins de deux heures.
Qu'aimez-vous dans votre région ?
Une plus grande variété d'écosystèmes, avec des cultures très marquées, (périgords, basques, béarnais, médocains, dans une seule et même région, grande comme l’Autriche !)
Quels sont les endroits, situations, moments où vous vous sentez le mieux dans votre quotidien ?
Le soir, quand la journée est finie, chez moi dans mon jardin quand la nuit tombe, sous le ciel étoilé avec la forêt à côté de moi.
J’aime aussi aller en Dordogne, me balader le long de la Vallée de la Vézère, avec ce patrimoine préhistorique, magique. J’y vais dès que je peux.
À l’inverse, quels sont les endroits, ou situations, où vous ne vous sentez pas bien ?
Très clairement, je ne me sens pas bien quand je prends ma voiture, que je me retrouve, le matin, ou aux heures de pointes, coincé dans les bouchons, pour devoir accéder à la métropole bordelaise. J’ai alors une sensation de perte de temps.
J’ai également un sentiment de malaise à la campagne, quand je passe dans de longs espaces de monocultures. C’est un gros malaise qui m’envahit, quelque chose qui ne devrait pas être. J’ai l’impression que c’est un désert de vie mortifère.
Cette nature que je connais depuis 45 ans, j’ai grandi avec elle, et je l’ai vue évoluer. Cela me permet de mesurer les choses.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous permet (de faire, de vivre…) ?
Cela m’offre une connexion à la nature et donc au réel. Cette nature que je connais depuis 45 ans, j’ai grandi avec elle, et je l’ai vue évoluer. Cela me permet de mesurer les choses. Je passe à côté d’arbres près desquels je jouais quand j'étais gosse. C’est un ancrage , une prise de conscience plus forte. Je vois le monde et la nature changer. Je vois des oiseaux changer, quand la forêt est plus sèche, je le sais. Ça me permet d'être dans l’espace-temps, de mieux comprendre les changements à l'œuvre.
Qu'est-ce qu'habiter ici vous empêche de faire ou de vivre ?
Ce n’est pas le fait de vivre là qui m’empêche, car je pourrais partir, mais ce sont plus des questions humaines : des parents âgés, ce serait dur de ne pas les voir souvent, et puis mon mandat ne me permet pas de disparaître. Ce sont mes responsabilités, et j’aime les assumer, ça fait partie de ce que je suis. Si je n’avais pas ça, j’irais passer plus de temps à l’étranger, en Nouvelle-Zélande pendant un an ou deux par exemple... Mais en réalité, j’aime être ici, le reste ne sont que des possibles dont je ne veux pas vraiment faire ma réalité. Je ne suis rongé par aucune frustration spécifique, je suis bien où je suis. Ici, c’est chez moi, depuis toujours, et c’est la terre où je veux vivre.
Ne plus considérer les agriculteurs comme des exploitants mais comme des paysans : redonner tout le sens et la valeur de ce beau métier connecté à la terre et la nature.
Si vous aviez le pouvoir politique de changer une chose dans la région, quelle serait-elle ?
Sans hésitation, le modèle agricole pour qu’il ait un impact positif sur le climat, faire revenir la diversité de la vie et préserver la santé des gens. Et pour cela, il faut redonner du sens au métier d’agriculteur, ne plus les considérer comme des exploitants mais comme des paysans, des agriculteurs : redonner tout le sens et la valeur de ce beau métier connecté à la terre et la nature.
Comment voyez-vous votre région dans 5 ans ? dans 10 ans ?
Deux scénarios se présentent à nous aujourd’hui : ou bien c’est la prise en main et la bifurcation, on peut devenir exemplaire et surmonter les défis, car on a toutes les ressources pour le faire : les bassins d’emploi, la bonne échelle de population, une grande diversité du territoire. Nous pouvons montrer qu’on peut vivre au 21e siècle, dans un 21e siècle qui préserve l’avenir et ne l’exploite pas jusqu’à la moelle. On pourra alors développer de nouvelles filières autour de l’énergie, de l’économie circulaire, relocaliser la production de nourriture, de médicament, de textile, développer le transport sur le territoire en respectant l’environnement. On pourra inventer des technologies au service de la planète et de tous ses habitants.
À l’inverse, si nous ne nous prenons pas en main, dans le scénario du laisser-aller, nous serons la région qui va le plus payer le prix du changement climatique et être une des plus impactée.
À l’inverse, si nous ne nous prenons pas en main, dans le scénario du laisser-aller, nous serons la région qui va le plus payer le prix du changement climatique et être une des plus impactée. Si l’agriculture ne se reprend pas en main, vu le poids qu’elle a sur la région, ça va être terrible. Vivre avec la chaîne des Pyrénées si on subit une hausse du climat de 5 degrés, cela sera une réelle catastrophe à tous les niveaux. Si les Landes ne survivent pas, c’est un drame à bien des égards pour notre territoire.
Donc de deux choses l’une : soit on devient un exemple, soit on devient les premières victimes d’une mosaïque d’effondrement. Et ce choix, il doit se faire maintenant, tout se joue ici et maintenant.
Notre diversité est notre plus grand trésor, nous devons la chérir coûte que coûte.
Selon vous, que faudrait-il préserver ?
Il y a deux grands maux à l'œuvre sur nos territoires actuellement, c’est d’un côté la dégradation (des écosystèmes, des vies des gens, de la diversité ) et l’uniformisation (tout finit par se ressembler partout : les langues, les paysages, les goûts, les modes de consommation et de pensée). Il nous faut lutter contre ce rouleau compresseur qui nous écrase et enlève tout relief. Le vivant, la nature, les gens, sont d’une magnifique diversité, c’est ce qui nous permet depuis toujours d’être dans la création, le renouveau, la régénération. Notre diversité est notre plus grand trésor, nous devons la chérir coûte que coûte.
Et dans ce demain que vous imaginez, de quoi avez vous besoin pour vous sentir vraiment bien ?
J’ai envie d’un lieu qui revit, dans un territoire vivant, avec un riche tissu associatif, où il ne sera pas nécessaire de faire des centaines de kilomètres, qu’on ne se serve plus ou peu de la voiture, que la pollution lumineuse et sonore baisse, qu’il soit facile pour tout le monde de se nourrir en local, de vivre dans un territoire vivant, relié, culturellement, économiquement, et où ne subisse plus ce sentiment de dépossession trop présent aujourd'hui.